François Delecour : « En une nuit j’ai pris dix ans… »

Le père Noel est passé un peu en avance pour Rallye – Infos qui a eu le privilège rare de pouvoir rencontrer François Delecour chez lui. Le père « freine tard » se livre comme d’habitude sans langue de bois. Il revient sur l’Alpine, la saison 2021 et sa carrière. Rencontre avec François Delecour !

Rallye – Infos : Bonjour François, merci de nous recevoir et de répondre à nos questions, avant toute chose, seras-tu au Monté Carlo ? 

François Delecour : Non ! A moins d’un miracle Lundi ou Mardi mais à priori non, mais je serai sur Canal + pour faire vivre cette édition aux téléspectateurs.

Rallye – Infos : Tu as jeté un coup d’oeil sur le parcours ? 

François Delecour : Non, mais ils changent un peu d’avis et il pourrait y avoir des spectateurs. Ça revient à quelque chose de plus normal !

Rallye – Infos : Sais-tu ce que sera fait 2021 pour toi ? 

François Delecour : Alors pour le vélo oui mais pour la voiture ce sera au coup par coup, je n’ai pas en tête d’aller faire un Championnat de France complet. Je n’ai rien de défini, je prendrai ce qui se présente à moi et surtout ce qui me plait. 

L’Alpine, je crois au produit !

Rallye – Infos : En 2020, on t’a vu sur une Alpine d’ailleurs. Tu en as acheté une, pourquoi ce choix ? 

François Delecour : Pourquoi ce choix car je crois au produit, je crois en la voiture sur le long terme, c’est une voiture qui va marquer son temps et c’est une belle voiture. C’est une voiture bien faite par Signatech, ce sont des gens qui ont un savoir faire incroyable. C’est une voiture que je garderai peut être sur le long terme car j’adore cette voiture, ça me rappelle mes débuts. La voiture est belle, elle est compétitive, c’est propulsion et c’est ludique. En fait, elle a plein d’arguments et c’est une voiture hors norme. Une R5, dans ma situation, ça ne me fait pas rêver, attention si on me permet d’en conduire une j’en serai ravi mais c’est plus de mon âge. Il faut laisser ça aux jeunes et en montant dans une Alpine je n’ai pas l’impression de prendre la place d’un jeune. Il faut laisser la chance aux jeunes !

Rallye – Infos : D’ailleurs ta saison 2020 a été aussi particulière, comment as-tu vécu cette année ?

François Delecour : Des rallyes annulés, plus de spectateurs, voilà la saison ! Mais on oublie surtout de parler des suicides, des fermetures, les gens qui perdent tout et d’autres qui sont dans des états psychologiques très compliqués. On fait un amalgame de tout et c’est très compliqué. 

En fait en une nuit j’ai pris 10 ans…

Rallye – Infos : Il y a quelques jours nous sommes partis à la rencontre d’Anne Chantal Pauwels et nous sommes revenus sur cet épisode du Monté Carlo 1991, comment toi l’as-tu vécu ? 

François Delecour : C’est un moment très dur de ma carrière. Mais avec le recul c’est un moment qui est bon, mais sur le coup j’ai pris 10 ans dans la gueule parce que j’avais tellement rêvé de cette victoire, elle était en train de se dessiner et tout s’effondre sous mes pieds. En fait, en une nuit, j’ai pris 10 ans à tel point que lorsque je l’ai gagné en 1994 ça m’a presque rien fait. 

Rallye – Infos : Il y a quelques jours, avec Eric Mauffrey, on revenait sur des anecdotes te concernant et on a la sensation que cette époque qui se voulait conviviale est derrière nous, tu en penses quoi ? 

François Delecour : Oui, j’ai des souvenirs de soirées mémorables. On se retrouvait tous et ça on l’a perdu. Pourquoi ? Parce qu’on nous demande du rendement, il faut aller vite et les rallyes sont compacts, on a le temps de rien. Quand je regarde le programme du Monté Carlo avec 279 km chronométrés c’est un Championnat de France d’avant, c’est ridicule et tu te dis c’est pas possible d’en être là. Moi je suis vraiment inquiet pour l’avenir, j’ai très peur que des rallyes comme Monza arrivent et ce sont des rallyes qui n’ont aucun intérêt. Aller faire le tour d’un rond point, d’une chicane ou de ballots de paille c’est pas du rallye quoi. Le Rallye c’est rallier le point A au pont B par une route naturelle, tu ne peux pas mettre des chicanes tous les 50 mètres comme au Touquet par peur de ceci ou de cela… 

Rallye – Infos : On allait te poser la question sur ce que tu penses de l’évolution des rallyes, tu y as répondu en nous devançant… 

François Delecour : Oui c’est top hein…

François Delecour – Daniel Grataloup Ford Escort RS Cosworth / Crédit Photo : Olivier Delhez

Rallye – Infos : Revenons maintenant sur toi et des moments plus personnels, quel reste ton meilleur souvenir?  

François Delecour : J’ai presque envie de te dire la nouvelle Zélande 1993, je finis second, je suis en bagarre avec Colin (Mc Rae) ça a été un rallye magique, j’aurais pu gagner, on m’a pénalisé mais je me suis éclaté, c’était tellement beau. Il y a aussi le Monté Carlo 1993 et la bagarre avec Didier (Auriol) même s’il gagne à la fin, j’ai prouvé qu’ils avaient triché puisqu’ils ont été déclassés l’année d’après. Puis la Corse en 1998 avec la 306 Maxi, je finis là encore deuxième derrière Colin, c’était un grand moment.

En 1995, j’ai fait une erreur colossale !

Rallye – Infos : Tu t’en doutes, on va te demander ton plus grand regret donc…

François Delecour : Ne pas avoir signé chez Subaru en 1995 aux côtés de Colin Mc Rae, j’avais rencontré David Richards à Paris et pour l’anecdote il me dit si tu viens chez nous, je t’offre en bonus ta voiture du Monté Carlo 1995. Au dernier moment j’ai pas osé partir de chez Ford car c’était un peu ma famille là bas, et j’ai fait une erreur colossale, j’aurais jamais du jouer le coté affectif. 

Rallye – Infos : Ton rallye préféré ? 

François Delecour : Je dirai que c’est le Monté Carlo puis il y a Nouvelle Zélande et le San Rémo, mais celui de la grande époque…

Ta spéciale préférée ? 

François Delecour : Burzet en Ardèche car c’est un endroit magique et à part ! C’est très étrange là haut sur le plateau, il y a toujours quelque chose qui se dégage, c’est balayé par les vents. Ouais ! Vraiment, ma spéciale préférée, c’est Burzet !

J’en ai bavé en Championnat de France en 1996…

Rallye – Infos : Delecour en quelques dates, c’est quoi pour toi ?

François Delecour : Déjà c’est 1981, Rallye de Picardie, le début d’une longue carrière. 

Puis 1991, forcément avec ce Monté Carlo c’est dur à avaler, si tu veux moi j’ai une carrière qui est faite d’une vingtaine de podiums en mondial c’est pas rien, je manque de premières places, j’ai quatre grandes victoires sauf que je dois avoir une quinzaine de rallyes en tête avec de l’avance et avec des casses mécaniques. Ça veut dire quoi aujourd’hui ? Qu’il me manque un palmarès incroyable, car à l’époque les voitures n’étaient pas fiables et en plus j’étais chez le constructeur où les voitures étaient les moins fiables, on cassait tous que ce soit Biaison ou moi. Les voitures cassaient plus que les Toyota, pourquoi ? On était les seuls pour des raisons budgétaires à ne pas aller au Safari, hors le safari était le meilleur banc d’essai pour fiabiliser une voiture. Si tu passais le Safari tu cassais jamais, et ma casse du Monté Carlo, si on était passé par le safari elle n’aurait jamais existé. Et j’en veux énormément à une personne qui était chez Ford à l’époque et qui était têtu et obtus, avec Miki on voulait changer des choses et avec lui c’était impossible et ça nous coute beaucoup de victoires !

1994, je fais un beau Monté Carlo puis j’ai mon accident et ça m’a fait énormément de tord, c’est une épine dans ma carrière. J’étais en pleine apogée de ma carrière et c’est Auriol qui est Champion du Monde. Je reviens très vite et quatre mois après je suis aux 1000 lacs qui était un rallye fou, j’avais encore mal au pied, je boitais, je cachais ça aux journalistes. Puis après je reviens dans la 306 maxi et j’en ai bavé en Championnat de France où j’avais l’impression de faire du circuit. C’était pas du par cœur mais c’était pire, je me suis heurté à Panizzi qui connaissait par cœur, il avait 5, 6 ou 7 saisons derrière lui. C’était des vitesses de malade je me disais c’est du circuit. Alors dès que c’était gras je gagnais et dès que c’était sec Gilles était excellent, il manquait pas grand chose mais j’étais derrière !

353 – Rallye France 1996. Limousin. Delecour/Grataloup. Peugeot 306 Maxi.

2002, fin de carrière internationale chez Mitsubishi avec beaucoup de regrets, la plus mauvaise voiture de ma carrière, pourtant elle avait gagné avec Makinen sauf que ça faisait un an que Makinen ne gagnait plus car la voiture n’était plus compétitive. Makinen avait eu de graves sorties, Loix aussi, moi pareil, on est tous sortis avec cette voiture qui était extrêmement dangereuse. Il y a eu notre grosse sortie et là j’ai eu un rejet du rallye, j’étais déjà vélo, mais ce fut vélo, vélo, vélo, j’ai zappé un peu le rallye, pour finir par y revenir petit à petit avec la Roumanie par exemple. Puis il y a eu la rencontre avec Sabrina de Castelli qui est une fille extraordinaire qui m’apporte beaucoup et même à côté du rallye, elle est naturellement douée et elle a plein de sensations. 

Rallye – Infos : Alors paradoxalement, ton rival chez Peugeot c’était Gilles Panizzi et c’est l’un des rares avec qui tu gardes aujourd’hui de bons contacts… 

François Delecour : Généralement les pilotes entre eux ne sont pas amis, faut pas rêver. Enfin tout du moins au niveau professionnel. Mais Gilles c’est un super mec, on se voit de temps en temps et c’est quelqu’un que j’ai toujours aimé au plan sportif, après il y a avait une rivalité donc forcément c’était difficile de faire amis/amis mais c’est un super mec ! 

Mais au fait « Freine-tard » ça vient d’où et c’est quoi ?

Rallye – Infos : Ton surnom « Freine-tard » ça vient d’où au fait ? 

François Delecour : De Nice Matin, c’est Marc Canonne qui m’avait vu passé et m’avait appelé comme cela tout simplement. C’était dans les années 309 et depuis c’est resté. Il est malheureusement décédé mais effectivement ça vient de lui. 

Rallye – Infos : Et donc est ce que « Freine-tard » se couche tard ? 

François Delecour : Oui je me couche tard et je me lève tôt ! J’ai besoin de peu de sommeil, 5 ou 6 heures. 

Rallye – Infos : Est ce que « Freine-tard » est en retard ? 

François Delecour : Jamais, je suis très ponctuel, j’ai horreur d’être en retard et des gens qui le sont ! 

Rallye – Infos : Est ce que « Freine-tard » est un fêtard ? 

François Delecour : Non pas spécialement, généralement j’accompagne et moi je reste à l’eau, je n’ai jamais bu une goute d’alcool et je n’ai jamais fumé. 

Rallye – Infos : Et enfin est ce que « Freine-tard » freine tard ? 

François Delecour : Pas spécialement, j’ai pas le freinage d’un pistard, donc je sais pas si je freine tard. Tu vois un Kubica lui il freine vraiment très très tard ! 

Rallye – Infos : Enfin, deux dernières choses. La première un grand merci à François pour son temps et sa gentillesse ! Puis un grand merci à Julien Montero qui s’est transformé en père Noel et qui est notre complice d’interview. Retrouvez le sur Racing 83, une équipe très sympathique qui sera dès début 2021 sur le Rallye des Roches Brunes sur une C2 et on les suivra de prêt, de très prêt !

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salociN
3 années il y a

Super interview, très fraiche avec un Delecour comme toujours au taquet, un vrai plaisir à la lecture !

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