La carrière de la 205 Turbo 16 en rallye

L’ambition de Jean Todt, donc de Peugeot, dès l’origine du projet était à double détente : début de la compétition en cours de saison (1984) pour roder la voiture, les pilotes et l’équipe, puis s’attaquer au Championnat dès la saison suivante avec un but avoué : le gagner.

Les pilotes ont été choisis par Jean Todt avant la fin de l’année 1983 puisqu’ils devaient participer au Tour de Corse en mai 1984. Le premier est, bien sûr Jean-Pierre Nicolas, homme de métier qui connait parfaitement la voiture puisqu’il a mené à bien tous les essais avec l’ingénieur Jean-Claude Vaucard et le second pilote sera Ari Vatanen, pilote expérimenté car déjà Champion du monde en 1981 et à l’ambition intacte.

1984

La première étape « Mondiale » a été le Tour de Corse à partir du 3 mai 1984. A la surprise générale, à partir de la 8ème spéciale, Ari s’est installé en tête de la course, devant les Lancia 037 que tout le monde donnait reines de l’asphalte. Ainsi, l’architecture générale de la voiture démontrait un potentiel auquel peu croyaient, principalement sur ce terrain a priori peu favorable aux quatre roues motrices. La sortie de route d’Ari Vatanen au matin de la dernière étape mettra fin au rêve un peu fou de toute l’équipe : triompher dès la première sortie en Championnat du monde. Jean-Pierre Nicolas, se classera quatrième.

Un mois plus tard, en Grèce au rallye Acropole, Ari domine une nouvelle fois le reste du peloton mais le terrain particulièrement cassant aura raison de la solidité des deux voitures engagées.

Ari Vatanen, en Août 1984 sur ses terres des 1000 Lacs, jouera avec les nerfs de tous les membres de l’équipe Peugeot… et aussi avec ceux de ses adversaires car, seconde après seconde, il remontera le leader (Marku Alen) pour s’imposer sans que celui-ci puisse, en quoi que ce soit, s’y opposer.

C’est la 1ère victoire historique de la 205 turbo 16 qui en appellera d’autres, tout le long d’une carrière non moins historique.

Peut-on parler de promenade de santé en rallye ? Certainement pas, mais certaines victoires semblent plus faciles que d’autres. La victoire d’Ari Vatanen au rallye San Remo 1984 est de cette catégorie. En tête dès la 9ème épreuves spéciale, il ne sera pas réellement inquièté jusqu’au terme du rallye. Un indicateur fort de cette domination : 31 temps scratches sur les 54 ES du rallye… Sans commentaire.

Dernière épreuve, mais non la moindre, le RAC en novembre. Une seule 205 engagée et bien des déboires. En effet, en tête dès le début du rallye, Ari devait commettre une sortie de route dans la 40ème ES, mais parvint à revenir sur l’Audi de Hannu Mikkola dès la 43ème ES pour finalement l’emporter. Et de 3 victoires en 5 sorties : bilan extraordinaire pour une année préparatoire !

Ces victoires ont eu aussi deux effets peu quantifiables mais bien réels : d’abord l’engouement nouveau des français pour ce « nouveau » sport, car c’est la première fois que des caméras filment les victoires d’une voiture française et qu’on lui accorde des reportages entiers aux journaux télévisés à 20 heures, et puis l’attrait pour ce modèle, la 205, qui ressemble tant à celle que l’on trouve chez le concessionnaire Peugeot. …N’oublions pas (coup marketing extraordinaire !) que le modèle sportif a été lancé en même temps que les autres modèles de la gamme…

1985

Dès l’ouverture du championnat, au Monte-Carlo, puis en Suède, le Lion de Sochaux, déchaîné, fera mordre la poussière à ses adversaires. Au Monte Carlo, Ari Vatanen signera une des plus belles victoires de sa carrière de rallyeman. Cette belle série (5 victoires depuis la Corse) due à Ari Vatanen en restera là, malheureusement pour Ari, mais pas pour Peugeot qui devra à la nouvelle recrue de Jean Todt, le discret et rondouillard Finlandais Timo Salonen, une victoire au Portugal. Il remportera les rallyes de Grèce, de Nouvelle-Zélande, d’ Argentine et aux 1000 Lacs où seront sacrés, un an après la victoire d’Ari,

Timo Salonen Champion du monde des conducteurs et Peugeot, Champion des constructeurs

Ce double sacre tombait d’autant mieux qu’Ari Vatanen avait connu une série de revers jusqu’à une sortie de route en Argentine qui fut fatale à ses vertèbres, manqua lui coûter la vie et devait le tenir éloigné des pistes pendant longtemps. Il est à noter aussi que la 205 Turbo 16 Evolution 2 a fait une première apparition au Tour de Corse aux mains de Bruno Saby. Il se classera 2ème, ce qui est une prouesse pour une voiture certes puissante, mais presque inconduisible. Peugeot remporta 7 des 11 manches du Championnat du Monde.

Au Tour de Corse 1985, Ari Vatanen découvre l’enfer du décor…

1986

Le nouveau couple de pilotes Peugeot pour cette saison estt, Timo Salonen, promu chef de file et un autre finlandais (encore !!) un jeune pilote de 26 ans, déjà expérimenté et qui, surtout, n’a pas fini de faire parler de lui, Juha Kankkunen.

La saison s’est ouverte rituellement au Monte-Carlo mais cette fois, avec une victoire de la nouvelle Lancia, la Delta S4 qui a déjà montré son potentiel en fin de saison précédente au RAC Rally.

En Suède, après 3 leaders successifs, c’est Juha Kankkunen qui ceint la couronne. Il prend du même coup la tête du Championnat pilote.

Au Portugal survient le 1er incident grave de cette saison avec l’accident de Joaquim Santos qui est entré violemment dans la foule avec sa Ford RS 200. Le bilan de 3 morts et de nombreux blessés ont poussé les pilotes d’usines à refuser de continuer une course où risquaient de se produire à tout moment de nouveaux accidents provoqués par l’inconscience des spectateurs qui confondent sport automobile et corrida.

Le coup de massue pour le groupe B est arrivé au Tour de Corse avec l’accident qui a coûté la vie à Henri Toivonen et à son coéquipier Sergio Cresto. Le 3 mai 1986, dès le lendemain de cet accident qui a précipité l’arrêt des équipes Lancia et Audi, la Fédération a signé l’arrêt de mort des Groupe B en programmant leur durée de vie jusqu’à la fin de la saison. Cette tempête politico-sportive a partiellement éclipsé la victoire pourtant brillante de Bruno Saby avec sa 205 T16 Evolution 2. Cette épreuve a aussi vu la 1ère participation pour Peugeot de Michèle Mouton qui ne finira pas l’épreuve par la faute de la mécanique.

André de Cortanze n’aura, donc, pas le temps de sortir la 205T16 Evolution 3 qu’il avait déjà dans les cartons.

Pour Peugeot, une nouvelle tuile lui tombe sur la tête au San Remo, avec l’exclusion des 205 engagées au terme de la 3ème étape pour cause de non conformité des éléments de protection des bas de caisse. Or, ceux-ci étaient présents au début du rallye et étaient conformes… Pire, lors des expertises, les techniciens ont rédigé un rapport au tribunal italien devant lequel l’affaire a été portée qui stipule que l’aérodynamique (effet venturi) est moindre avec les éléments litigieux que sans ! Il faudra attendre d’autres appels en justice pour, enfin, obtenir gain de cause, par un communiqué du 18 décembre de la FISA qui annule le San Remo et ses résultats. Juha Kankkunen est enfin Champion du monde des conducteurs et Peugeot, Champion des constructeurs.

La fin de la saison est pourrie par cette ambiance de suspiscion, les faux espoirs de Markku Alen qui est en tête du championnat, le souvenir d’Henri Toïvonen et de Sergio Cresto… et la fin annoncée des Groupe B !

1987

Quelle suite peut donner Peugeot à la 205 ? Revoir de fond en comble le PTS pour se tourner vers la F1 ou essayer de monnayer la 205 dans une autre discipline proche du rallye ? C’est cette dernière option qui est choisie. Jean Claude Vaucard, précédemment responsable des essais de la 205T16 Rallye, est chargé d’étudier la portabilité de la 205 sur les pistes africaines, et ce, dès l’annonce de la suppression des Groupe B, c’est à dire au terme du Tour de Corse 86.

Le résultat, c’est la 205 Tubo 16 « Grand Raid » : toute l’expérience des rallyes (Kenya) et le recul par rapport aux éditions précédentes du Paris-Dakar. Dans le détail, une 205 Grand Raid, c’est une 205 avec un empattement allongé de 300 mm pour loger les 400 litres d’essence, des voies élargies pour la stabilité, une hauteur de caisse portée à 270 mm (200 en rallye) et une puissance abaissée à 380 ch !

En décembre 86 l’équipe est présentée. Les pilotes seront Ari VATANEN, dont c’est le grand retour en compétition après son terrible accident de 1985, Shekkar MEHTA et Andrea ZANUSSI.

La voiture est aux couleurs du nouveau sponsor de l’épreuve. L’assistance sera assurée par l’équipe de camions de Georges GROINE.

Dakar : Peugeot apportera dans cette épreuve un nouveau professionnalisme puisque pas moins de 29 personnes, en camion ou en avion, seront au service des 3 équipages « Grand Raid ». Ce 1er challenge est emporté haut la main par Ari Vatanen et son coéquipier, Bernard Giroux, intouchables. Shekkar Mehta-Mike Doughty termineront à la 5ème place.

Cette année là, Peugeot ira aussi taquiner le sable du côté de la Tunisie et des Pharaons.

Juillet 87 : Pikes Peak (Colorado, Etat-Unis) – La course vers les nuages. Il s’agit d’une course de côte de 19,96 kilomètres qui inclut 157 virages, avec un départ à 2866m et une arrivée au sommet, à 4200m. Ici, plus que Walter Röhrl et sa surpuissante Audi Quattro Sport (plus de 600 cv), l’ennemi est le ravin qui, à chaque virage, attend le pilote trop généreux. La 205 a été affublée d’appendices aérodynamiques hypertrophiés pour tenter d’accrocher à ce sol en terre poussièreuse et faire passer les quelques 550 cv de la voiture de 850 kilos. Malgré toute sa bonne volonté, et à cause d’un collier de durite de turbo, Ari Vatanen sera battu par W. Rörhl et son Audi Quattro S1. Mais ne voulant pas rester sur cet échec, Jean Todt et Ari Vatanen reviendront l’année suivante (1988) avec une 405 Turbo 16 pour l’emporter… mais c’est une autre histoire !

1988

Une 205 T16 Grand Raid est au départ du Paris-Dakar 1988. Cette voiture aux mains d’Ambrosino se classera à une honnête 6ème place. Cette édition sera remportée par Juha Kankkunen sur 205 T16 après l’exclusion de Ari Vatanen suite au vol racambolesque de sa 405 à Bamako.

Cette année verra aussi l’engagement par le Groupement des Concessionnaires Peugeot d’une 205 T16 dans le championnat de France de Rallycross, confiée à Guy Fréquelin. Cette voiture, dont la cylindrée à été passée de 1775 à 1758 cm3 pour des raisons de classe de poids a une puissance de 510 ch à 7500 t/mn pour un poids de 960 kg. Cette auto est la seule du plateau qui soit soutenue par un constructeur (le PTS par le biais des Concessionnaires). Le titre ne lui échappera pas.

1989

Paris-Dakar : deux 205 T16 Grand Raid sont engagées avec les équipages Fréquelin-Fenouil et Wamberque-Guehennec pour servir de support aux 405T16 de Vatanen et Ickx. Elles termineront respectivement en 4ème et 8ème position.

Championnat de France de Rallycross : une 205, quasiment identique à celle de 1988, est engagée par les concessionnaires Peugeot dont le volant est confié à Ph. Wambergue. Il remportera le titre, pratiquement sans opposition.

1990

Cette année, c’est J.M. Beuzelin qui court pour les concessionnaires Peugeot dans le Championnat de France de Rallycross. Il remporte le titre qui restera le dernier ramené par cette voiture, car les anciennes Groupe B 4 roues motrices sont définitivement interdites de compétition pour les années à venir.

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